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Comprendre l'art moderne

9 octobre 2007

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Comprendre l’art moderne


Ce livre est conçu à partir d’une étude réalisée en France et en 1994 auprès d’un nombre relativement important d’amateurs d’art et de professionnels du monde de l’art. Le résultat de cette étude a été surprenant puisqu’elle a donné la preuve qu’une fraction notable des personnes qui s’occupent d’art ne possède pas la formation nécessaire. Elle a mis en lumière le fait que les artistes sont mal compris par ceux qui ont pour propos d’étudier, de juger, et de gérer leurs œuvres. Elle a démontré que les amateurs d’art sont parfois mieux armés que les professionnels pour comprendre l’art de notre temps.
Support obligatoire de l’émotion, le fait pictural est une affaire d’accords, de contrastes, d’oppositions, qui jouent —sans que nous en soyons conscient— un rôle important dans notre perception de l’œuvre d’art. Les peintres sont les premiers à souligner que pour être bien perçue la peinture demande, comme complément nécessaire à la sensibilité, un certain apprentissage du regard. Savoir comment une œuvre s’exprime est aussi important que ce qu’elle tente de dire. Ce n’est pas forcément pour des raisons narratives que Survage, en son temps, plaçait la couleur rouge au centre de ses compositions figuratives et que Van Gogh, un demi-siècle plus tôt, accordait les tourbillons du vent dans les blés aux arabesques des nuages.
Contrairement à ce qu’on pense trop souvent, la connaissance ne tue pas l’émotion. Porter un regard critique sur une œuvre d’art n’empêche pas d’y être sensible ; ce n’est pas parce qu’on sait comment elle fonctionne qu’on l’apprécie moins. Au contraire cela permet de l’aimer davantage, car la découverte de son originalité formelle et de son organisation s’ajoute à notre plaisir.
Le fait est que la société des beaux-arts s’accommode bien du flou. Les catalogues des ventes aux enchères confondent trop souvent art moderne et art contemporain. Les collections publiques d’art spontané font voisiner aimables passe-temps et œuvres fortement inspirées. Dans nombre d’ouvrages, des réalisations d'intérêt discutable côtoient des œuvres admirables sans qu'aucune distinction soit établie.
Si les revues automobiles ne s’intéressaient aux véhicules qu’en termes de confort et d’esthétique, ne se préoccupant ni de mécanique ni d’ergonomie, elles présenteraient probablement peu d’intérêt à nos yeux. C’est pourtant un fait de nature comparable qui caractérise les revues d’art. Elles nous font part des états d’âme de la critique et des messages que les artistes sont supposés transmettre, ne s’intéressant que superficiellement à l’élaboration des phénomènes plastiques.
En essayant d’aborder sommairement les mécanismes de la peinture j’espère montrer ici combien ils sont habituellement mal perçus. La fréquentation du milieu des arts plastiques pendant 40 ans, l’étude, la pratique et l’enseignement de la peinture, la rencontre de nombreux artistes, critiques et experts, m’ont convaincu que sur le plan de la perception les arts plastiques sont les moins accessibles de tous les arts.
La forme, que la critique d’art a occulté au profit du fond, conserve son importance dans l’esprit des artistes, qu’ils soient modernes ou contemporains.
En fait, il nous est difficile —presque impossible— d'aborder librement une oeuvre d'art. Sans doute est-ce le résultat d'une distraction congénitale. L'art, qu'on dit libérateur, n'est peut-être qu'une illusion qui nous fait oublier, comme l'a dit Rimbaud, que nous sommes absents au monde. Cette notion d'absence est ambiguë : elle désigne à la fois le vide, la vacance, et le flot anarchique, incontrôlable, de nos pensées. Elle suppose que nous croyons penser alors que nous “sommes pensés". Elle nous présume somnambules.
La critique d’art est de son côté le lieu idéal des phrases creuses, de l’auto-satisfaction, de l’auto-analyse inconsciente. L’envie de briller, le désir de faire œuvre d’écrivain, rendent tout écrit sur l’art approximatif. Écrire sur l’art c’est d’abord parler de soi-même. Les pages sur la vie et les intentions des artistes sont nombreuses. Celles qui tentent de dépasser les mythes au profit de la réalité d’une aventure picturale sont plus rares. La grande majorité des spécialistes ou gens de lettres qui ont écrit et écrivent sur l’art, semblent finalement souffrir d’un manque originel : n’avoir jamais tenu un pinceau. Ce qui fait la force d’un texte : l’originalité des idées, la confrontation des mots, les libertés prises avec la langue, dérive vers le superficiel lorsque l’on écrit sur la peinture. Le langage plastique, qui s’autorise (comme la littérature) des audaces, a lui aussi ses règles qui sont souvent mal connues de ceux dont le métier consiste d’abord à écrire. Le bleu sera toujours complémentaire de l’orange et un objet clair paraîtra toujours plus grand sur un fond sombre, (etc).“Les mêmes principes et les mêmes éléments se retrouvent dans toute expérience artistique.” (Picasso). Ceci demanderait évidemment à être approfondi : autant que sa vision du monde, les audaces prises avec les règles —la façon de désobéir— expriment la singularité de l’artiste. Écrire sur la peinture, c’est se servir d’un outil difficile pour décrire des objets compliqués.
Chaque livre nouveau qui paraît sur un artiste célèbre ou à propos d’un événement pictural marquant ne fait que reprendre de façon plus ou moins vulgarisée ou “savante” les ouvrages précédents. Ainsi se répètent à l’infini les mêmes certitudes, les mêmes erreurs, les mêmes mythes. De leur côté les amateurs d’art sont trop souvent soumis à leurs affects, admettant difficilement que si l’œuvre est pourvoyeuse d’émotions elle est d’abord vue de l’esprit, cosa mentale. Enfin, il y a bien longtemps que les conservateurs et les historiens, embarrassés par trop de connaissances, n’ont plus l’esprit assez libre pour poser certaines vraies questions...
Les résultats chiffrés de cette étude ont cependant prouvé que l’objectivité n’est pas forcément exclue de l’art et qu’il est possible d’aborder ce domaine autrement que par les voies de la philosophie, de l’histoire, de la sociologie ou de la psychanalyse. Cette approche par l’intérieur est essentielle : sans elle, nous n’aurons qu’une idée superficielle de l’art moderne.
Nous allons donc essayer d’aborder dans ce livre les plus importants mécanismes de la peinture en gardant à l’esprit cette phrase qu’écrivit dans son journal le peintre Paul Klee en automne 1919 : “Pour ma part, tout au moins, je m’efforcerai de mettre l’accent sur une œuvre considérée isolément en tant que telle. Ce qui ferait un bon tableau, voilà ce que je chercherai à savoir, et ce qui serait bon dans une telle œuvre prise isolément...”

Contrairement à l’étude de 1994 les réponses sont données aussitôt les questions posées. D’intéressantes précisions sur les réponses qui ont été données par les amateurs d’art et les professionnels ont été ajoutées. Certaines questions ont été posées aux deux catégories.


QUESTIONNAIRE A L’USAGE DES AMATEURS D’ART
1 — Pourquoi, dans les publicités des montres à aiguilles, l’heure indiquée est-elle presque toujours 10 heures 10 ?

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